Denise Murrell : Manet a réalisé en un an (1862-1863) quatre tableaux représentant le personnage noir , dont trois représentations d'un modèle qu'il a identifié comme Laure, en nourrice, en portrait, et comme servante d'une prostituée. Le quatrième tableau était un portrait monumental de l'actrice métisse Jeanne Duval, qui était depuis plus de vingt ans la maîtresse publiquement reconnue de Baudelaire. Ma proposition de base est que Manet peint Laure dans Olympia comme une révision moderne mais incomplète d'un archétype de figure de femme noire. Je suggère aussi qu'Olympia est un tableau sur deux femmes, une blanche, une noire, et que cette dernière est très importante. Même si elle semble plus petite, elle est très visible, comme le furent les Noires dans le milieu artistique de Manet et des premiers impressionnistes. Cette présence n'a fait qu'augmenter depuis l'abolition définitive de l'esclavage dans les territoires français en 1848, créée en partie par des possibilités de travailler à Paris comme domestiques pour ces femmes venues des Antilles, des Caraïbes, etc. Dans ce cercle de peintres modernistes, engagés dans la modernité, des Parisiens et Parisiennes noirs ont été représentés dans leurs activités, de domestique, vendeuse de fleurs, actrice, artiste de cirque.
Nous pouvons comparer le personnage de Laure avec ceux d'autres tableaux orientalistes de ce temps. Comme dans Le Bain maure (ou Bain turc) de Gérôme, où la figure noire féminine porte des vêtements exotiques, elle a les seins nus, les muscles très apparents, deux façons stéréotypées de peindre le personnage combinant la sexualité excessive et la force, tandis que Laure de Manet est entièrement habillée, ne se courbe pas dans une attitude servile, mais se tient debout en présentant les fleurs. Elle est une personne libre, n'est pas représentée comme venant de contrées lointaines et exotiques souvent imaginées dans la France impériale. Elle n'a rien d'une esclave. Et Manet en sait quelque chose puisqu'à Rio, où il a voyagé dans sa jeunesse, il s'est trouvé dans un marché aux esclaves, a assisté à la vente de femmes noires, qu'on présentait le torse nu jusqu'à la taille.
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Oui, dans le sens où Laure d'Olympia est servante dans une maison close, un rôle assez stéréotypé pour les femmes noires dans les peintures françaises du XIXe. Le racisme limitait encore leurs possibilités économiques et sociales, donc cette modernisation n'est pas achevée. Cela dit, Manet a peint d'autres images de Laure. En nourrice, notamment. Et il a fait aussi son portrait. Or celui-ci n'indique pas son statut social, elle porte une robe à empiècement Second Empire, à la mode de l'époque. Laure, dont il a écrit dans une note qu'elle vivait rue de Vintimille, habitait donc à quelques pas du studio de Manet, des cafés qu'il fréquentait. Toute une population noire dans les 9e et 17e arrondissements, autour de la place Pigalle et de la place de Clichy, était visible. D'ailleurs, Alexandre Dumas père, comme Jeanne Duval maîtresse de Baudelaire, vivait là. Le recensement français n'indique pas la race, mais d'autres études suggèrent que ce quartier comptait historiquement l'une des plus grandes concentrations de Parisiens noirs dans le centre de Paris. Il faut voir aussi les photographies de Nadar, ami de Manet, celle du journaliste martiniquais Cochinat, par exemple. D'ailleurs, la photographie, d'une manière générale, nous apprend beaucoup de la présence noire à Paris au XIXe. Les sujets s'y présentent eux-mêmes, dignes, élégants, assez différents de la manière dont ils apparaissent en peinture. 2ff7e9595c
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